C'est drôle comme un traumatisme dans l'enfance peut marquer.
Quand je suis né, j'avais une petit excroissance là. Ah merde, c'est vrai, vous pouvez pas me voir, vous ne faites que lire ces mots. Bon je recommence. Quand je suis né, j'avais une petit excroissance en dessous de la gorge, juste en dessous du creux formés par les os qui commencent le sternum.

Au passage d'ailleurs, je félicite le personnel de la clinique où je suis né. A peine sorti du ventre de ma mère, ils m'avaient pris et m'avaient gardé un bon moment. Puis ils étaient venus dire à ma mère "vous n'avez rien remarqué sur votre enfant?" Ma mère qui n'avait rien vu avait répondu non. Et les médecins:
-Ah, et bien ne vous inquiétez pas alors.
-Mais il y a une raison pour que vous pensiez que je m'inquiète?
-Non non, une petite chose, rien du tout.
-Qu'est ce qui ne va pas avec mon bébé?
-Mais rien madame, on vous a dit de ne pas vous inquiéter.
-MAIS JE NE M'INQUIéTAIS PAS!

Bref.
Ca ressemblait à un gros grain de beauté, mais pas vraiment marron.
Les médecins avaient expliqué à mes parents qu'il faudrait me l'enlever plus tard, et que c'était à surveiller avec attention. Sans leur expliquer plus que ça.
A 2 ans, cette petite excroissance s'est mise à suinter. Du sang. Mes parents sont allés à la clinique et là on leur a expliqué qu'il fallait m'opérer très rapidement. Pour résumer, avec ce genre d'excroissance, il y a un risque qu'un vaisseau sanguin y soit connecté. Problème, dans mon cas le vaisseau pouvait être connecté, de l'autre côté, au coeur. Donc, si ça se mettait à suinter, c'était pas bon du tout.

Et bien, de mes 2 ans, je n'ai pratiquement aucun souvenir. En revanche, j'en ai toute une batterie, très précise, de cette opération.

Je me souviens de la chambre où j'attendais avant l'opération. On m'avait dit que ma maman m'accompagnerait tout le temps. Vers midi, on a apporté à manger aux autres patients dans la même chambre que moi. Sauf à moi. Il fallait que je sois à jeun. J'ai demandé à ma maman pourquoi moi je n'avais pas le droit de manger. Elle m'a répondu qu'elle non plus, n'avait pas à manger, c'était comme ça.

Je me souviens de l'infirmière qui est venue me chercher. Elle était blonde et elle avait les cheveux courts.

Je me souviens qu'elle a dit à ma mère qu'elle ne pouvait pas me suivre en salle d'opération. Alors qu'on m'avait dit que ma maman me suivrait. A deux ans, dans un hopital, vous vous imaginez la réaction que j'ai eu. Enorme crise de larmes.

Je me souviens être dans les bras de l'infirmière qui m'ammenait dans la salle d'opération, je voyais ma maman s'éloigner.

Je me souviens être passé devant un lavabo. Une personne (chirurgien? infirmier?) se lavait les mains. Sauf que c'était une sorte de boue jaunâtre qui sortait du robinet. (et ça, j'ai encore l'image... alors question, ça existe vraiment ce genre de truc, c'est désinfectant, ou bien c'est moi qui était tellement terrifié que dans mon souvenir, de l'eau s'est transformée en boue?)

Je me souviens que l'on m'a allongé et qu'un docteur est venu avec un ballon qui délivrait de l'anhestésique, qu'il m'a demandé "tu veux jouer avec mon ballon?". J'ai répondu "non" en hurlant, mais il l'a placé sur mon visage et... pouf. Plus personne.

Je me souviens enfin de la salle de réveil, avec cette jeune fille à ma droite, platrée de partout et que je faisais rire parce que je me berçais en chantant "A la queue leuleu".

Un grand nombre de souvenirs très précis donc, pour une période où je n'en ai pratiquement aucun par ailleurs.

C'est fou comme le traumatisme de cette opération m'a marqué (même si ça ne m'a jamais donné la phobie des hopitaux par ailleurs).