Depuis samedi soir, j’ai une chape de fatigue sur la tête. Je crois que c’est la combinaison de plusieurs facteurs, tous évident d’ailleurs. Lorsqu’il a rompu, je me suis soudain retrouvé complètement vulnérable et je crois que la fatigue accumulée depuis des semaines maintenant en a profité pour s’engouffrer dans la brèche.

Cela faisait quelques temps déjà que mon corps m’envoyait des signaux pour m’inciter à me mettre au repos, mais jusqu’ici je résistais et je luttais. Mais depuis samedi soir, forcément, tout a changé. Toute cette fatigue physique s’est ajoutée au profond traumatisme causé par la rupture et je me retrouve aujourd’hui épuisé moralement, physiquement et intellectuellement.

Je songe déjà à mon lit vers midi. Pas parce que je me dis que j’oublierais ma douleur si je dors. Vraiment parce que je suis fatigué et que je sais que si je ferme mes yeux, je serais endormi dix minutes plus tard. Hier, alors que je ne me sentais vraiment pas bien, j’ai compris que je ne pourrais pas manger avec les trois ou quatre seules personnes dont j’aurais supporté la compagnie à midi (elles n’étaient pas présentes au bureau). Et que j’allais me retrouver avec toute la bande que je ne fais que supporter en temps normal. J’ai réfléchi, et au lieu d’aller manger avec eux tous, je suis allé me prendre un sandwich et j’ai mangé seul, dehors, sur le parking. Cela peut sembler un brin pitoyable, mais ça ne l’est pas tant que ça et pour deux raisons : la première, c’est que le mot parking peut sembler un peu glauque, mais il faut savoir qu’il s’agit d’un parking en plein air, entouré de champs, de vaches et de lapins. Il s’agit en fait d’un coin très sympathique. La deuxième raison, c’est que si j’avais mangé avec ces gens, soit je n’aurais pas décroché un mot et je serais passé pour un vrai con, soit j’aurais dû me forcer à parler et fatalement, à un moment ou à un autre, j’aurais craqué. Et pas question de craquer devant ces gens. J’ai donc préféré manger seul. Bien sûr, j’ai pleuré, mais moins que je ne le pensais. Et je n’étais pas si mal, avec un peu de paix au milieu de cette journée.

A un moment donné, durant cette heure de repas, je me suis allongé sur la banquette arrière de ma voiture et j’ai bien failli m’endormir alors que je n’en avais pas du tout l’intention. C’est une dame qui s’est garée juste à côté de moi qui m’a sorti de ma torpeur juste au bon moment.

Tout ça pour dire que j’ai l’impression de ne pas avoir dormi depuis des semaines, et de rattraper tout ça maintenant. Hier soir, il était 20h et j’avais l’impression qu’il était déjà 23h tellement la tête me tournait et mes paupières étaient lourdes. Je me suis couché à 21h et à 21h15 j’étais déjà en train de m’endormir. C’est la troisième nuit consécutive que cela m’arrive. Et je dors en général jusqu’au bout. Enfin, je me réveille systématiquement une heure avant le réveil. Pour autant, ces longues heures de sommeil n’y font rien. Je suis toujours épuisé. J’ai beau dormir, je pense que la qualité du sommeil n’est pas bonne, pour des raisons évidentes. Et l’heure pendant laquelle je tourne avant de me lever ne sert qu’à me faire penser à ma douleur et à me faire démarrer la journée avec le moral dans les chaussettes.

Mais je m’accroche. Je ne lutte pas contre ce sommeil, parce que je sais que j’en ai besoin, qu’il est réparateur, et qu’il me permet aussi d’être en paix quelques heures. Même quand je rêve de lui, comme cette nuit. Même si dans ce rêve, nous étions à nouveau ensemble. Je sais que cela fait partie du processus.

Et je l’accepte, même si c’est douloureux.