Il y a une chose que je trouve très amusante et agaçante à la fois. C’est la façon dont certaines personnes étalent leur vie privée au travail. Il en est ainsi de mon collègue René (prénom changé) qui partage mon bureau. Depuis mi Juin, j’ai appris des tas de choses sur sa vie, à tel point que je suis capable de vous faire un compte rendu détaillé de sa situation actuelle.

Première chose déjà, il a tapissé le mur de son côté d’innombrables dessins de son fils, le premier de ses deux enfants. Première info donc, il a un fils et je connais même son prénom puisque tous les dessins sont signés par la maîtresse. Signés par la maîtresse. Son fils est donc en maternelle, chose qui se confirme d’une part par la qualité des dessins, d’autre part par la discussion que nous avons eu hier. Mais j’y reviendrais.

Ensuite, René a posé sur son bureau au moins trois cadres avec des photos de sa petite famille. Je sais donc à quoi ressemblent sa femme et ses enfants. Il a donc deux enfants, un fils (celui qui dessine) et une fille.

D’une façon plus générale, René n’hésite pas à parler de ses problèmes, m’interrompant parfois carrément pour me raconter quelque chose. Ainsi hier, il est arrivé tout penaud dans le bureau, l’air d’un dépressif qui aurait appris qu’il est immortel et condamné à vivre son malheur pour l’éternité. Evidemment, il me dit bonjour et je suis obligé de constater sa triste mine. Il m’explique alors que c’est la rentrée des classes et qu’il a dû amener son fils en deuxième année de maternelle (bling, nouvelle info) et sa fille chez la nourrice (bling, nouvelle info), que sa fille est la seule enfant que sa nourrice garde (bling) et qu’elle a pleuré.

Il m’explique que l’année passée sa femme et lui avaient pris un RTT (bling, sa femme travaille) pour pouvoir accompagner leurs enfants et que franchement, c’était mieux. Egalement qu’il est content d’avoir repris la semaine dernière parce que les deux en même temps ça aurait été trop dur émotionnellement. Je précise ici que j’étais aussi au courant que la semaine passée, sa femme était encore en vacance en Bretagne (bling) et qu’il est allé la rejoindre en train ce week-end (bling), qu’il a pu se baigner samedi (bling) et qu’en rentrant ils se sont couchés tout de suite (bling).

Et puis ce matin, à peine arrivé, j’ai encore eu le droit à pleins de détails sur sa vie privée. Je savais déjà que sa femme avait plus ou moins des ennuis au travail (arrêt de travail plus ou moins bidons, envie de partir…) (bling, bling, bling) mais tout s’est précisé aujourd’hui. A peine installé sur sa chaise, il m’a regardé, et m’a dit tout naturellement « bon allez, je vais appeler ma mère » (bling). Ok. Mais concrètement, qu’est-ce que j’en ai à foutre ? Hmm… René téléphone donc à sa môman et là j’ai le droit à un nouveau déballage. Je comprends donc que sa femme allait se faire licencier (bling), que finalement elle va démissionner (bling) et reprendre des cours à la fac (bling), pour passer à autre chose, tout en tentant de les faire chier une dernière fois (bling).

Je comprends également que sa petite fille est malade (bling) puisque ce soir, la mamie viendra pour les garder (bling) et les emmener chez le pédiatre (bling).

Ais-je besoin de préciser que depuis le début, je n’ai jamais posé une seule question à René sur sa vie privée ? Que ce monsieur a simplement étalé copieusement tous ses problèmes et aspects de sa vie non professionnels ?

Deux choses. La première c’est que pour être franc, je n’en ai tout simplement rien à foutre de sa vie. Autant il y a des gens comme Karen que j’apprécie et que j’ai envie d’aider, de mieux connaître. Autant René m’indiffère au plus haut point, et lorsqu’il passe vingt minutes à me décrire ses sentiments et états d’âme sur la rentrée de ses enfants j’ai envie de lui dire tout simplement « ferme là ».

La deuxième c’est que par habitude, je suis très discret sur ma vie privée. Pour autant, je ne me cache plus. Et je suis certain qui si un jour René comprends que je suis avec un mec en étant moi-même un mec, il sera choqué et sera du genre à me sortir « mais t’es obligé de le crier sur les toits comme ça ? ». Mais qu’il s’amuse seulement à me sortir tout ça. Et je me ferais un plaisir de lui ressortir tous les bling bling que j’ai dû subir depuis le début…