La suite... - Chien méchant

J'arrive dans la salle de prélèvements, là où tous nos patients amputés arrivent pour les prises de sang. Comme d'habitude je me lave soigneusement les mains. La pluaprt du temps, ce sont eux qui viennent à nous, et non pas l'inverse. C'est pour les habituer à être autonomes, à se servir du fauteuil, à gagner un peu d'indépendance.

Ce matin là, il y a pas mal de prélèvements à faire. J'en fais un, puis deux, puis trois. Et puis, le bonhomme arrive. Comme les autres, il est en fauteuil. Il lui manque une jambe, la droite. Il doit avoir environ 40 ans, il a l'air mal réveillé. Pas rasé, un peu bouffi. A l'instant même où il pose ses yeux sur moi, son visage se fige. Il se tourne vers une des infirmières, et lui déclare en me regardant "je veux pas qu'il me pique lui."

Sympa non? Je suis dans la même pièce que lui, en face, mais pas de bonjour, rien. Il parle de moi comme si je n'entendais pas.
-Ah mais pourquoi pas M. Bigorno?
-Hola mais il a l'air trop jeune lui. Il a même pas fini ses études.
-Mais siii, mais siii! Au contraire même, il pique mieux que nous!
-hmmm?
-Bien sûr, il travaille dans un laboratoire! Les prises de sang c'est sa spécialité! Il ne fait que ça toute la journée, et il est venu exprès pour ça chez nous!

Là, je commence à stresser un peu. Parce que bon, à ce stade j'en ai pas fait des masses non plus des prises de sang. 10 à peine.
Daignant enfin se retourner vers moi:
-Mais vous avez quel âge?
Je décide d'agir à sa façon. Sans lui répondre, je me tourne vers les infirmières et demande:
-Quel âge j'ai? Vraiment?
-Oui oui, répondent-elles.
-21 ans.
-AH! reprend M. Bigorno. Vous voyez je vous l'avait dit.
-Un DUT c'est un diplôme en deux ans M. Bigorno. Mes études, je les ai terminées.
-Vous êtes vraiment là spécialement pour ça, vous êtes habitué?
Les infirmières dans sont dos me font de grands signes pour m'inciter à dire oui.
-Oui.
-Bon. Je vous préviens quand même que si vous me ratez, je vous mords, conclut-il sans sourire.

Le bonhomme s'approche. Sa veine, je lui ai trouvé du premier coup. Un prélèvement sans problème, et rapide avec ça.
A la fin, je le regarde enfin dans les yeux et sans sourire:
-Alors, je vous ai pas fait mal on dirait.
-Heu non non, mais vous savez, c'était pour plaisanter hein...

Et bin vous savez quoi? Ce vieux saligaud, il est allé dire à tout le monde que j'étais génial et que je piquais mieux que les autres...

Y'en a j'vous jure...