La suite... - Je rumine

Ce soir, j'ai le vague à l'âme, spleen.

Aujourd'hui, au travail, il s'est passé quelque chose qui m'a rammené sur Terre, qui m'a rappelé de plein fouet dans quelle société je vis.

Oh, trois fois rien.

Karen était en train de discuter avec Roland de choses et d'autres. Moi je n'écoutais que d'une oreille distraite. J'avais du travail à faire et je n'avais pas vraiment le temps de parler. Et là, tout à coup, au bout milieu du doux blabla de ces voix, j'entends Karen prononcer ces mots:
"mon copain, il est jaloux, super jaloux. De tous les mecs, sauf les homosexuels, ces dépravés. Des dépravés!"

Pour rappel : dépravé : adj, altéré, corompu, dénaturé, perverti, qui a perdu tout sens moral.

Ouch.
Pourtant, ce n'est pas la première fois que j'assiste à de l'homophobie ordinaire depuis deux mois que je suis là. En général c'est un "ah putain, c'est des gants de pédé, ils sont trop petits!" ou des trucs du genre. Mais là...

Là c'est Karen. La personne que j'adore le plus dans cette boîte. Toujours souriante, gentille, hilarante, prête à aider, (habituellement) tolérante, droite et juste.
Quand j'ai entendu ces mots, venant d'elle, ça m'a vraiment profondément blessé. Peiné. D'autant plus parce que c'est elle et que je l'aime beaucoup.

Sur le coup, je n'ai rien dit.
J'ai regretté. Je me suis promis de ne pas me cacher.
Marre du placard. On bosse envirion 8h par jour, donc on reste une dizaine d'heures au bureau. La majeure partie de la journée. La majeure partie du temps.
S'il faut se cacher, jouer un rôle, éluder sans arrêt pendant la majeure partie du temps, on devient fou. C'est hors de question.

(et puis je pourrais avoir le bon côté, un mari qui m'attend à la maison le soir pour me consoler... mais non...)

Je veux être clair sur ce que je suis, sans le crier sur les toits pour autant.
Oui j'ai peur des réactions. Oui j'ai peur des discriminations, de l'homophobie.
Mais le fait même qu'en 2007 j'en ai encore peur, n'est-ce pas un argument pour s'afficher?
J'en parlais tout à l'heure avec ma cousine Laura.

J'ai été attristé de voir sa réaction. Une des personnes les plus tolérantes et hétéro que je connaisse me conseille de ne rien dire. Que c'est prendre le risque de l'homophobie.
Est-ce à dire que je vais devoir me cacher, ne pas être moi-même pour le restant de mes jours?

Combien de nos collègues hétéros affichent des photos de leurs enfants ou de leur conjoint(e) dans leur bureau, sur leur ordinateur? En parlent à midi ou à la pause café?
Et je devrais m'inventer une seconde vie ou ne jamais rien dire à ces moments là?

Non.

Ce soir je rumine tout cela et j'ai de la peine.
La réalité m'a donné une bonne claque.
2007, l'homosexualité n'est toujours pas acceptée.

(et je suis seul, et ça n'arrange rien)

Hello!

Re: Hello!